reconstitution des mouvements des populations humaines depuis la préhistoire en Europe occidentale
I. LES GRANDS ANCÊTRES
Les lignées des humains et celles des grands singes et du Chimpanzé en particulier dérivent d'un même ancêtre commun qui vivait il y a environ 10 millions d'année en Afrique et qui reste à découvrir.
Il est maintenant confirmé que l'origine de l'homme est unique et se situe en Afrique tropicale (1) comme l'indiquent les plus anciens fossiles préhumains du Miocène (jusqu'à -5.3 Ma):
Parmi ceux-ci, les restes de Toumaï, dénommé Sahelanthropus tchadensis, ont été découverts au Tchad en juillet 2001 par le français Michel Brunet, et datés de 7 millions d'années.
Il s'agissait d'un crâne, d'un fémur toujours à l'étude et de divers débris osseux.
Sa taille était d'environ 1.20m pour 30kg, il était sans doute bipède et sa boite crânienne de 370cm3 est équivalente à celle d'un chimpanzé.
Crâne de Toumaï et sa reconstruction (E. Daynes) (2)
Orrorin (O. tugenensis) découvert dans l'ouest du Kenya en 2000, dont les os, des fémurs et des dents en faible nombre sont datés entre 5.7 et 6.1 millions d'années. Il avait une face plate, une posture verticale bipède, des membres supérieurs adaptés à la vie arboricole, une taille de 1.20 à 1.50m pour 40kg, et un régime alimentaire différent de celui des grands singes.
De 1992 à 2005, un grand nombre de fossiles datés de 4.4 millions d'années ont été découvert en Éthiopie et au Kenya représentant 9 individus qui ont été inclus dans un nouveau genre: Ardipithecus ramidus.
C'était un petit homininé archaïque bipède d'une cinquantaine de kilos, qui vivait en zone forestière ou savane arborée, arboricole ( gros orteil opposable comme les singes) et marchant au sol.
II. LES AUSTRALOPITHÈQUES (-4.2 /-1.2 Ma)
Au Pliocène (-5.3 / -2.5 Ma), à partir de -4.2 millions d'années, et pendant une très longue période de 3 Ma, on retrouve en Afrique au moins 8 espèces d'homininés fossiles que les paléontologues regroupent actuellement au sein du genre des Australopithèques.
Le genre Australopithecus est un groupe paraphylétique, c.a.d qu'il ne comprend pas seulement un ancêtre commun et tout ses descendants, une partie des Australopithèques dits "robustes" a été maintenant regroupée dans le genre Paranthropus.
Jusqu'à présent, les découvertes les situent en Afrique du Sud, le long de la Rift Vallée en Afrique de l'Est et dans le Sahara au Tchad.
Ce sont probablement les descendants de Toumaï et Orrorin, ils ressemblaient à des singes mais présentaient déjà des caractéristiques les rapprochant des humains dont certains sont les ancêtres primitifs.
Ils présentent à la fois des caractéristiques primitives des Grands Singes:
- une petite capacité crânienne de 500cm3 en moyenne
- un palais en forme de U
- un prognathisme du maxillaire
- des proportions de membres primitives (longs bras, courtes jambes)
mais également des caractères plus évolués:
- une face très développée
- une adaptation à la mastication intense, de l'émail dentaire plus épais, des molaires et prémolaires plus larges et aplaties, une diminution de la taille des canines.
En Afrique de l'est:
1) Australopithecus anamensis: vivait entre 4.2 et 3.8 millions d'années, à l'est du lac Turkana au Kenya.
La première découverte de 1965 d'un humérus puis d'un maxillaire et de dents a conduit à définir l'espèce anamensis à partir des caractéristiques de son système masticateur, comme plus primitive que afarensis et intermédiaire avec Orrorin.
Le palais est en forme de U, le menton est fuyant, les canines plus développées que les prémolaires.
Puis en 2019 un crâne (MRD-VP) très complet découvert en Éthiopie a été attribué à cette espèce.
le crâne MRD-VP et sa reconstruction par J. Gurche (3)
Le volume du crâne est assez faible (370cm3), proche de celles de Toumaï et Orrorin, et il présente une crête sagittale primitive.
Cet australopithèque se nourrissait de fruits, de grains et tubercules et grimpait souvent aux arbres. Il semble être l’ancêtre de Lucy et des afarensis postérieurs à 3.8 Ma.
2) Aus. afarensis: représenté par la célèbre Lucy, vivait en Éthiopie / Tanzanie dans l'est du rift africain il y a 3.6 à 2.9 millions d'années .
Plus de 400 individus de cette espèce ont été découverts depuis 1939 et particulièrement le squelette partiel de "Lucy"en 1974 (AL-288) et un grand nombre d'individus dans le site de Hadar.(4)
Les crânes montrent un important dimorphisme sexuel, une capacité crânienne peu importante, une face élargie, un prognathisme du maxillaire, un système masticateur développé et des molaires très grandes.
La capacité crânienne est de 400 à 500 cm3, légèrement supérieure à celle des chimpanzés.
crâne AL 444 (4)
Le dimorphisme sexuel est assez marqué: La taille des femelles était de 1.10m pour 30 kg environ et 1.50m et 50 kg pour les mâles.
Lucy se tenait debout bien droite mais avait une démarche déhanchée et ne pouvait couvrir que de courtes distances.
A. afarensis apparait actuellement comme l'ancêtre du genre Homo et sans doute également celui des Paranthopus robustus.
Reconstitution par J.Gurche
Muséum d'Histoire Naturelle de Cleveland (CMNH)
comparaison des crânes d'anamensis et afarensis
3) Aus. deyiremeda qui vivait en Afrique de l'Est en Éthiopie il y a 3.5 / 3.3 millions d'années n'est représenté à ce jour que par deux mandibules, un maxillaire et quelques dents.
Les canines sont réduites comme les molaires, l'émail est épais et la mâchoire très robuste.
Cette espèce était contemporaine et géographiquement voisine d'afarensis, mais peut être adaptée à une autre niche écologique.
4) Aus. bahrelgazali: dit "Abel" est également contemporain de Lucy, mais situé plus au nord-ouest, au Tchad ou il a été découvert initialement en 1995 par une mandibule datée de 3-3.5 millions d'années, puis jusqu'en 2000 par 4 autres fragments de mâchoires.
5) Kenyanthropus platyops
Un crâne extrêmement fragmenté et déformé a été découvert en 1999 sur la rive ouest du lac Turkana au Kenya et daté également de la même période: 3.2-3.5 millions d'années.
Il semble présenter une face très plate et des molaires/prémolaires plus petites que celles des australopithèques.
6) Aus. gahri , décrit en 1999, est lui beaucoup plus récent, il vivait en Éthiopie près d'un million d'année plus tard (2.6 / 2.5 Ma), donc contemporain des premiers représentants du genre homo et des paranthropus.
La denture est typique des australopithèques, avec réduction des incisives et augmentation de taille des prémolaires, même assez proche de celle des Paranthropes. Cependant les os des membres inférieurs supposés lui appartenir ont des proportions plus proches de celles des Homo.
En Afrique du sud:
7) Aus. africanus vivait en Afrique du Sud il y a environ 2.6 à 2.1 millions d'années.
Il a été découvert dès 1924 puis dans trois autres sites d'Afrique du Sud ensuite (quatre crânes, des dents, des mandibules et un squelette partiel).
Par rapport à afarensis d'Afrique de l'est, la boite crânienne est plus arrondie, le front est plus haut, l'arcade dentaire est moins en U, il y a une réduction de la denture antérieure et une augmentation de taille des molaires.
Le dimorphisme sexuel est moins marqué; environ 1.38m pour 40 kg chez les mâles et 1.15m pour 30 kg pour les femelles.
La théorie actuelle fait de A. africanus le descendant de afarensis et l'ancêtre de A. sediba et des Paranthropus, donc une branche parallèle à celle des préhumains.
8) Aus. prometheus vivait en Afrique du Sud autour de 3.67 millions d'années.(5)
L'espèce a été formée à partir de la découverte en 1948 d'une mandibule et de l'arrière d'un crâne, puis d'un crâne et denture en 1988 (STW-252) et enfin par le squelette presque complet de "Little-Foot" découvert en 1994 (STW-573) dans un même site que A. africanus.
Cette espèce serait caractérisée par une face plus plate et concave, par un bourrelet sus-orbitaire plus fin, des molaires/prémolaires très grandes, un ensemble de traits qui pourrait la placer comme l'ancêtre des Paranthropus (ou Australopithèques robustes).
Pour beaucoup de paléontologues, il n'y aurait qu'une seule espèce d'australopithèque gracile, A.africanus, dont Little-foot serait une forme ancienne.
7) Aus. sediba est une espèce beaucoup plus récente (2 Ma), représentée par des squelettes très complets découverts à Malapa en Afrique du Sud et qui paraissent proches des Homo.
La denture est assez réduite, le bassin et les doigts sont plus proches de ceux des Homo.
Cette espèce bipède au régime végétarien évoluait entre 2 et 1.75 millions d'années et évoluait dans un milieu plutôt forestier d'Afrique du sud. On ne connait pas exactement son extension géographique et combien de temps sediba survécut et s'il cohabita avec des espèces humaines comme H. habilis apparu dès 2.4 millions d'années.
III - LES PARANTHROPES
Les Paranthropes sont des formes robustes d'Australopithèques, particulièrement par leur système masticateur, et dont on ne connait jusqu'à présent aucun squelette entier.
Ce sont des espèces tardives, de -2.7 Ma à 1.2 Ma, pendant une période durant laquelle le climat africain devient plus sec et plus aride. Ces changements serait à l'origine de la séparation entre deux lignées d'homininés, la lignée des paranthopus et la lignée du genre homo, par deux types d'adaptations différentes à ces nouvelles conditions de vie.
1) Paranthropus aethiopicus est la plus ancienne espèce robuste d'Afrique de l'est, découverte en Éthiopie et Kenya (ouest du lac Turkana) et couvrant une période de 2.7 à 1.2 Ma.
La face est large et concave, le maxillaire prognathe, le front plat et une crête sagittale est présente.
2) Paranthopus boiseï est une espèce un peu plus récente d'Afrique de l'Est (2.3 à 1.2 Ma), découverte d'abord en Tanzanie (1959), puis au Kenya, Ethiopie et jusqu'au Malawi au sud. Les dents postérieures sont extrêmement larges et adaptées à la mastication.
L'analyse isotopique du carbone 13 des ces osements indique que cette espèce vivait en milieu très ouvert de savane et se nourissait de végétaux plus coriaces.
3) Les Paranthropus robustus sont tous originaires d'une petite région d'Afrique du sud et couvrant une période entre 2 et 1 millions d'années environ.
La capacité crânienne varie de 400 à 500cm3, la face est plate orthognathe et même concave, le front aplati, le système masticateur est très développé, les incisives et canines sont réduites, au contraire des molaires et prémolaires très larges. crâne d'Euridice DNH7
L'ensemble de ces Paranthopes adaptés aux milieux très ouverts consommaient de l'herbe, des graines, des noix, tubercules et racines.
Il y a deux hypothèses concernant les "filiations" et les relations entre les formes est et sud africaines:
N°1 : à partir des Australopithèques anciens (afarensis) d'avant 3 Ma, deux lignées se seraient développées vers 2.7 Ma en Afrique de l'est, d'une part les Homo et d'autre part les Paranthropus aethiopicus et boiseï, puis vers 2 Ma une extension vers l'Afrique du sud avec P. robustus.
N°2 : Même évolution en Afrique de l'est, mais en Afrique du sud, les robustus proviendraient directement des Australopithecus africanus, à moins que les quelques similarités morphologiques qui les rapprochent ne proviennent d'une certaine hybridation et introgression génétique...
d'après Wood B. 2017
Principaux taxons actuels de fossiles d'Homininés depuis les 7 derniers millions d'années et localisations des sites de découvertes (6)
Sources & notes
J.J Hublin: Paléoanthropologie, Cours du Collège de France: "Avant les Hommes" https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2020-10-13-17h00.htm
J.-J. Hublin et B. Seytre "Quand d’autres hommes peuplaient la terre : nouveaux regards sur nos origines" Paris, Flammarion, 2008, 267 p.
J.-J. Hublin et S.P. McPherron "Modern Origins: A North African Perspective" Dordrecht, Springer, 2012, 244 p.
(1) P. Picq et Y. Coppens. (2014) "les origines de l'homme: l'odyssée de l'espèce", Points-Sciences,
(2) CNRS. Attelier E. Daynes: www.elisabethdaynes.com
(3) d'après John Gurche, paléoartiste. gurche.com
(4) Johanson D. (2017) "The paleoanthropology of Hadar, EthiopiaPaléoanthropologie d’Hadar, Éthiopie" Compte-rendu de l'académie des sciences vol 16. p140-154 . Elsevier
(5) Ronald J.Clarke ,Kathleen Kuman. "The skull of StW 573, a 3.67 Ma Australopithecus prometheus skeleton from Sterkfontein Caves, South Africa" Journal of Human Evolution Volume 134, September 2019
(6) Josephine C.A & al. (2019) "Relevance of the eastern African coastal forest for early hominin biogeography" Journal of Human Evolution
Volume 131, June 2019, Pages 176-202