reconstitution des mouvements des populations humaines depuis la préhistoire en Europe occidentale
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En Europe, c'est à la transition entre Paléolithique moyen et supérieur, entre 50 et 40.000 ans, que l'on observe la disparition progressive des populations de Néandertaliens et leur remplacement par l'expansion de celles des Sapiens "hommes anatomiquement modernes"(1).
De très récentes découvertes et datations semblent indiquer la présence d'hommes anatomiquement modernes en Europe, au moins vers 47 à 45.000 ans en Bulgarie (2), Tchéquie (3) et même 54.000 ans dans la vallée du Rhône (4):
Sud de l'Italie: Grotta del Cavallo. 2 dents de lait découvertes en 1964 sont maintenant attribuées de par leurs caractéristiques à des Sapiens (5). Elles sont situées dans une couche du complexe "Uluzzien" , celle-ci est datée par les coquillages associés à 45/43.000 ans BP.
On retrouve les premiers Homo sapiens venant du Proche-Orient en Europe à partir de 45.000 BP au sud de l'Italie(11), et vers -40.000 ans en France où ils sont appelés "Cro-Magnon". Les réchauffements climatiques successifs vont leur permettre de coloniser rapidement le nord de l'Eurasie et l'ouest de l'Europe durant la période qui précède le dernier maximum glaciaire (LMG).
Les premiers clans de "Cro-Magnon" se sont répandus rapidement d'est en ouest à partir du Proche-Orient en Europe du sud le long de la Méditerranée il y a environ 41.000 ans. Ils y ont développés la culture Proto-Aurignacienne qui s'étend d'abord de la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie, à l'Italie, au sud est de la France, à l'Aquitaine et l'extrême nord de l'Espagne .

Répartition géographique des Pré-Aurignaciens ( d'après Benazzi S. 2015)
Cette culture est caractérisée par des parures de coquillages perforés, des os travaillés et des lamelles avec des retouches standardisées typiques.
L'analyse de l'ADN mitochondrial de fragments de squelettes issus de deux sites du nord de l'Italie (Fumane) a montré que ces hommes modernes appartenaient à l'haplogroupe ancien R et ils ont été datés de 35 à 41.000 ans(12) .
Parallèlement, des Néandertaliens sont présents plus au nord ou cohabitent sur certains territoires communs et développent une industrie dite du Chatelperronien en partie influencée par celle des Aurignaciens.
Ces clans sont proches et proviendraient de la culture Ahmarienne de Judée datée de 43.000 / 35.000 BP.
Une seconde vague aurignacienne plus tardive a suivi une route nord-alpine, les chasseurs paléolithiques de l'Aurignacien proprement dits ont alors occupé un territoire plus vaste, du nord du Tage en Espagne, à l'hexagone, l'Italie, les Balkans, jusqu'aux rives du Don en Russie. En France ils chassaient dans les Pyrénées, dans le Sud-Est, la vallée du Rhône, la Bourgogne, et vivaient souvent en abri-sous-roche.

Cette culture a perduré plus de dix millénaires de -40.000 à -30.000 ans environ, pendant une période de redoux peu stable, entrecoupée de deux millénaires froids et secs (de 36 à 34 000 BP).
Plus au nord, l'archéologie identifie une seconde culture, (L.R.J. Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien) qui a occupé les territoires de la Flandre et de l'Angleterre jusqu'à 30.000 BP.
La faune est alors composée de mammouths, rhinocéros laineux, rennes, chevaux, bœufs, marmottes, ours, loups, hyènes et grands félins.
Les outils de pierre caractéristiques sont fait de grandes lames épaisses retouchées, de grattoirs à dos, de pointes de sagaie en ivoire et bois de renne.
Ce sont ces hommes qui ont réalisés la plupart des gravures et peintures pariétales de la grotte Chauvet en Ardèche qui représente magnifiquement toute la mégafaune de l'époque.

Les analyses génétiques de restes anciens de l'Aurignacien sont encore peu nombreuses. En 2017 le bilan était le suivant :

Rappelons ici l'arbre simplifié des Haplogroupes "mitochondriaux" ou clans matrilinéaires du Paléolithique en Europe:

Avant 35.000 ans, plusieurs populations coexistaient en Eurasie.
L'une est représentée par l'ancien individu de Kostenki de Russie qui a contribué à l'ascendance des Européens actuels, une autre est représentée par l'individu de Tianyuan en Chine qui a contribué à l'ascendance des Est Asiatiques actuels.
D'autres populations représentées par l'ancien individu de Ust'-Ishim en Sibérie et par l'ancien individu de Oase en Roumanie n'ont pas contribué génétiquement aux populations actuelles. Si on inclut la population "Basal Eurasian" qui a contribué aux Européens actuels, un minimum de quatre populations différentes ont coexisté en Eurasie avant 35.000 ans.
Le problème du métissage:
Au cours des différentes expansions des Homo à l'extérieur du continent africain, ces humains généralistes se sont mélangés avec tous ceux qu'ils ont trouvés sur leur chemin, puis devenant plus nombreux, ils les ont absorbés.
Pour le Paléolithique, ce phénomène a été clairement établi en 2020 par un modèle évolutif à partir des génomes d'européens actuels, d'africains de l'ouest, de néandertaliens de l'ouest et de l'est et d'un dénisovien. (Rogers) Les génomes contemporains s'expliquent au mieux avec trois grands métissages successifs en Eurasie, entre les Dénisoviens et une population super-archaïque (des erectus en Asie), entre les ancêtres des Néandertaliens et ceux des Sapiens avant 200.000 ans sans doute au Levant, puis entre les les Sapiens arrivant en Eurasie et les derniers Néandertaliens il y a plus de 50.000 ans, sans compter l'hybridation entre Dénisoviens et Néandertaliens en Asie du nord.
(1) Higham, T. et al. The timing and spatiotemporal patterning of Neanderthal disappearance. Nature 512, 306–309 (2014).
(2) Hublin, J. J. et al. Initial upper Palaeolithic homo sapiens from Bacho Kiro Cave, Bulgaria. Nature 581, 299–302 (2020).
(3) Prüfer, K. et al. A genome sequence from a modern human skull over 45,000 years old from Zlatý kůň in Czechia. Nat. Ecol. Evol. 5, 820–825 (2021).
(4) Slimak, L. et al. Modern human incursion into Neanderthal territories 54,000 years ago at Mandrin, France. Sci. Adv. 8, 9496 (2022).
(5) Benazzi S. et al., 2011: "Early dispersal of modern humans in Europe and implications for Neanderthal behaviour". Nature 479(7374), 525-8, nov. 2011.
(6) Benazzi S. et al., 2015: "The makers of the Protoaurignacian and implications for Neanderthal extinction", Science, 15 mai 2015, p. 793-796
Alan R. Rogers, Nathan S. Harris, and Alan A. (2020) "Neanderthal-Denisovan ancestors interbred with a distantly related hominin" Science Advances. 21 Feb 2020. Vol 6, Issue 8.