reconstitution des mouvements des populations humaines depuis la préhistoire en Europe occidentale
Les hommes de l'antiquité et plus avant ceux de la préhistoire, ont éprouvé le besoin d'une part de s'orienter pour leurs déplacements sur de longues distances, sur terre ou sur mer, et d'autre part de se situer dans le temps au cours du cycle annuel des saisons, en particulier en zone tempérée.
Il leur était nécessaire pour le moins de déterminer une direction, un repère fixe facilement identifiable quelque soit le lieu, à partir duquel il serait possible de caler d'autres directions.
Grace à leurs longues observations de la nature qui les entourait, ils ont pu se rendre compte que les astres pouvaient jouer ce rôle.
Ainsi, on peut facilement imaginer que depuis les temps les plus reculés, les femmes et les hommes pouvaient contempler jours après jours le soleil, la lune, les étoiles dans leurs mouvements cycliques le jour et la nuit, le principal spectacle qui s'offrait à eux, en particulier les ciels nocturnes non pollués par les lumières artificielles.
1) Le soleil est l'astre le plus visible et repérable chaque jour.
Peut-être certains d'entre eux plus spécialisés, certains chamanes ou chasseurs expérimentés ont probablement remarqués que le soleil se lève chaque jour toujours dans une même direction sur l'horizon, et se couche à peu près à l'opposé. Mais ils ont pu observer que de façon cyclique au cours d'une année, le soleil n'apparait pas toujours exactement au même endroit sur l'horizon (et en symétrique pour le coucher), que ce lieu se déplace progressivement assez nettement entre deux positions extrêmes (entre le nord-est à la saison chaude et le sud-est à la saison la plus froide) .
L'écart entre les deux positions extrêmes forme un angle avec l'observateur qui dépend de la latitude du lieu de l'observation; l'écart entre les levés d'hiver et d'été, et donc l'angle, est augmenté à mesure que l'on monte aux plus hautes latitudes, autrement dit, la portion d'horizon parcourue dans l'année par le soleil à son lever ou son coucher est plus grande aux hautes latitudes (à l'inverse, le soleil se lève toujours exactement à l'est à l'équateur);
L'observation attentive et quotidienne permet également de remarquer que le soleil se lève (et se couche) plusieurs jours à 1° près à ces deux positions extrêmes, semblant marquer un arrêt dans son va et vient, ce qui a donné plus tard le nom de ces périodes en latin: sol sistere (soleil - s’arrêter ) qui devient Solstice.
Il est également simple d'observer que le soleil monte au plus haut à cette période d'été (le solstice de Juin) avec une durée du jour la plus longue de 16 heures environ aux latitudes moyennes, et monte le moins haut l'hiver quand il se couche au sud-est avec une durée du jour la plus courte de 8 heures environ.
Il semble que la direction du soleil levant/soleil couchant au solstice de juin, qui pouvait être aisément observée à cette belle saison et pour plusieurs jours, a représenté un axe référence jusqu'à l'antiquité et au delà.
Depuis une vingtaine d’années Chantal-Jègues Wolkiewiez étudie l’orientation des grottes et des abris paléolithiques ornés. Elle a constaté que les artistes paléolithiques avaient organisé les œuvres dans l’espace des cavernes en fonction de l’ouverture de celles-ci vers les rayons solaires solsticiaux. La lumière solaire pénétrant une cavité lors de ces moments privilégiés structurait le lieu qui était ainsi transformé en sanctuaire.
L’art pariétal était en relation avec l’entrée de la lumière solsticiale du Soleil. Les grottes de Lascaux, Comarque, Combarelles, Rey, la Calévie, Bernifal, Bison, Nancy de la vallée de la Vézère ont ainsi une orientation vers les levers ou couchers du soleil au solstice de juin.
Telle la porte de la Moria, la porte en bronze qui ferme la grotte originale de Lascaux, et derrière dans son prolongement " le diverticule axial ", sont éclairés par les rayons du soleil couchant du 21 Juin (1);
A la latitude de Montignac (45°), l'angle du lever ou coucher du soleil au solstice de juin, depuis le nord, est bien de 55°7.(2)
Le tumulus mégalithique de Newgrange au nord de Dublin, daté de 3200 av JC. est précisément orienté vers la direction du soleil levant au solstice d'hiver (c.a.d vers le sud-est, à 132° par rapport au nord, la lumière du soleil pénètre directement quelques minutes dans la chambre principale ce matin là).
L'ensemble mégalithique de Stonehenge du sud de l'Angleterre daté de 2800 av JC semble également orienté selon l'axe du solstice d'été à cette latitude (51.2°) soit 50°5, du centre vers la Heel Stones.
La géométrie sphérique nous permet de calculer l'azimut, l'angle que fait la direction du soleil levant avec le nord:
(a = azimut ; d = déclinaison de l'astre ; f = latitude ; h= angle avec l'horizon)
la formule: sin(d) = sin(f ).sin(h) - cos(f ).cos(a) au lever/coucher du soleil h=0, aux solstices d = 23.5°
d'où cos(a) = -sin(23.5°)/cos(f )
ainsi à Stonehenge située à 51.2° de latitude nord, l'angle solsticial d'été (avec le nord) est de 50.5° , ce qui donne 2x39.5° = 79° d'amplitude entre les deux solstices. A la latitude de Bordeaux (45°), l'angle solsticial est de 55°67'.
Le point extrême de lever du soleil dans cette direction du nord-est (ou du nord-ouest pour le coucher) pouvait également marquer le début d'un nouveau cycle de saisons, de l'année solaire.
2) la course de la lune
La lune nocturne a été le deuxième astre très facilement repérable par les premiers observateurs du ciel des temps anciens.
- au début du printemps (Équinoxe 21 Mars): le 1er quartier visible avant son coucher le soir est situé haut dans le ciel, le 2eme quartier qui se lève après minuit est bas sur l'horizon.
- en été à partir du solstice (21 Juin) : la pleine lune est basse sur l'horizon (à l'inverse du soleil qui est au plus haut).
- au début de l'automne (équinoxe 21 septembre): le 1er quartier visible le soir est bas, le 2eme quartier d'après minuit est haut.
- en hiver à partir du solstice du 21 décembre: la pleine lune apparait très haute toute la nuit.
Ainsi il y a une phase d'environ 13 jours de lune montante d'une trajectoire basse sur l'horizon à une position haute, puis une phase de 13 jours de lune descendante à l'inverse.
Les trajectoires apparentes de la lune dans le ciel nocturne sont donc assez complexes et ne permettent pas facilement de déterminer une direction.
Mais l'apparition très régulière toutes les 29/30 nuits d'une lune bien ronde ou sa disparition complète la nuit de la nouvelle lune, a permit de compter les lunaisons à partir d'un moment initial constant d'année en année correspondant à une saison déterminé par une position du soleil, un solstice par exemple:
Entre deux solstices d'été (repérés par la position extrême du lever du soleil au nord-est), on observera 13 pleines lunes, ou 13 nouvelles lunes, espacées de 29 ou 30 jours. Soit pour 365 jours entre deux solstices de juin, 7 lunaisons de 30 jours, 5 lunaisons de 29 jours et une partie d'une 13e lunaison de 10 jours ( 7x30+5x29+10 = 365).(4)
Ainsi des sortes de calendriers luni-solaires étaient possibles, avec 12 ou 13 mois lunaires de 29 à 30 jours et sont attestés dans de nombreuses civilisations antiques.
Sources et notes:
(1) Photographie: Pascal Hanrion, "Etude de l’illumination solsticiale d'été de la grotte de Lascaux et de grottes et abris paléolithiques ornés dans la Vallée de la Vézère" juillet 2020.
(2) selon les plans et l'orientation de ceux-ci, l'angle mesuré sur plan serait de 56° à 59°.
(3) https://www.palais-decouverte.fr/fileadmin/fileadmin_Palais/fichiersContribs/vous-etes/enseignant/Documents-pedagogiques/_documents/Expositions-permanentes/Astronomie/Lune-commun.pdf
(4) les lunaisons (= temps entre deux nouvelles lunes) ont une durée variables, en moyenne de 29 jours 12 heures et 44 mn, plus ou moins 7 heures environ selon la position à l'apogée ou à la périgée de la lune. voir Jean Meeus, (1960) "durée de la lunaison" Ciel et Terre. vol 76. https://adsabs.harvard.edu/full/1960C&T....76...21M