Eklablog Tous les blogs Top blogs Technologie & Science Tous les blogs Technologie & Science
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU

reconstitution des mouvements des populations humaines depuis la préhistoire en Europe occidentale

Néolithique au Proche-Orient

 

La « révolution » néolithique a été en réalité un phénomène progressif qui s’est étendu sur plusieurs millénaires et qui a diffusé à un grand nombre de régions à des périodes différentes, les nouvelles techniques, modes de vie et économie à partir des 5 foyers primaires (Proche-Orient, Chine, Afrique saharienne, Amérique du sud, Mexique).


Ce processus a consisté essentiellement pour les populations à produire directement leur alimentation par la culture ou l'élevage d'espèces domestiquées et modifiées, et parallèlement s'est accompagné de leur sédentarisation et de l'invention de nouveaux contenants en céramiques cuites.

L'ensemble des données archéologiques et génétiques récentes indiquent que le Néolithique européen est directement issu des régions proche-orientales.

Il ne correspond en aucun cas à un foyer autonome à partir des populations mésolithiques européennes.


Les récentes études portants sur des marqueurs génétiques relevés sur les ossements de ces populations montrent qu'il y a eu effectivement "arrivée" progressive d'une nouvelle population caractérisée par des marqueurs que l'on retrouve chez les premiers agriculteurs du Proche-Orient et d'Anatolie (haplogroupes G2a, J1, J2, T et E1b1b).

Toutefois, le processus de « néolithisation » a pu procéder à la fois du déplacement de populations, par colonisation rapide ou expansion démographique progressive d’une part pendant les premières phases, puis d’autre part par diffusion des techniques ou acculturation des populations autochtones lorsqu’il a eu contacts entre agriculteurs/éleveurs néolithiques et chasseurs/cueilleurs mésolithiques.


Pour l’Europe occidentale, deux grands courants ont diffusés ou apportés le Néolithique depuis le Proche-Orient :
- Un courant Danubien par la vallée du Danube depuis les Balkans et la région de la mer Noire.
- Un courant méditerranéen suivant les côtes vers l’ouest à partir de la Grèce et des Balkans.

 

Les premiers agriculteurs du Proche-Orient ..

Le Néolithique du Proche-Orient a évolué progressivement de 12000 av.JC. à 7000 av.JC. (ce qui est contemporain du Mésolithique en Europe) et a abouti aux cultures de Samara et Obeïd en Mésopotamie et Cata Hüyük en Anatolie vers 6800 av.JC., avec céramiques, élevage, cultures de céréales, villes et villages de sédentaires.

1. Localisation géographique

Il s'agit de populations vivant dans les régions du couloir levantin, des versants et piémonts des montagnes du Zagros et du Taurus, c.a.d en Palestine, au Liban, en Syrie, Jordanie, Irak ainsi qu'en Turquie et Iran.

 

2. Climat et végétation

Des études paléo-climatiques récentes ont défini les mécanismes responsables des évolutions climatiques post glaciaires en particulier.

Le climat de l'Holocène est ainsi conditionné par la triple conjugaison de la position cyclique de la terre sur son orbite et de son inclinaison, de la variation cyclique de l'activité du soleil et de la circulation océanique.
La dernière déglaciation s'est produit très rapidement entre -13000 et -5000 ans, ses effets sur le climat et sur la topographie des côtes ont été immédiats mais pulsés, dont une des conséquences par exemple est le déversement de la Méditerranée dans le vaste lac d'eau douce qui occupait la dépression de la mer Noire actuelle (phénomène apparenté au Déluge) à une date comprise entre 8000 et 6000 av.JC.
Il a été également mis en évidence des variations séculaires du climat alternant vagues de froid ou de chaleur, inondations ou sécheresses pendant cette période.
On parle alors d'épisodes de "changements climatiques rapides" (RCC en anglais).
Ainsi la période de néolithisation a été entrecoupée de trois de ces changements climatiques rapides (RCC), vers -7300, -6200, -5300 et -4000 av.JC. pendant lesquels les températures et les précipitations ont fortement diminués pendant 2 à 300 ans.
Ces oscillations quasi millénaires sont très variables selon les latitudes: lorsque la zone tropicale est dans une phase d'aridification, les zones tempérées et continentales de l'Eurasie sont plus humides et fraiches; A l'inverse au début de l'Holocène, le Sahara était bien arrosé et était couvert d'une savane et de grands lacs, le bassin méditerranéen était plus humide, le climat de la bande centrale de l'Europe plus tempéré et sec, ce qui a constitué une situation favorable pour les premières sociétés de paysans.

3. Les populations

Les chasseurs-cueilleurs du Proche-Orient (HG-PO) étaient porteurs des marqueurs E1b du chromosome Y pour les Natoufiens et J pour les mésolithiques d'Iran et du Caucase selon les derniers travaux de Lazaridis (6). Les hommes du Néolithiques PPNB étaient porteurs de E1b, H2, T et CT.

4. Les cultures

a) Un nouveau mode de vie sédentaire: les Natoufiens.

Entre 12.000 et 10.300 ans av. JC. quelques groupes de chasseurs-cueilleurs occupent la région; ils vivent de la chasse à la gazelle ou d'autres gibiers, de la cueillette d'orge, de lentilles, de pistaches et plus rarement de blé engrain sauvage qui étaient déjà récoltées depuis longtemps au paléolithique avec les amandes et les glands.


Les ancêtres sauvages de plusieurs céréales et légumineuses domestiquées au Néolithique poussaient naturellement sous forme de petites populations éparses dans ces régions (7):


L'Amidonnier sauvage (Triticum turgidum ssp. dicoccoides) = dans tout le croissant fertile.
L'Engrain sauvage (Triticum monococcum ssp. boeoticum) = croissant fertile, Anatolie, Thrace
L'Orge sauvage (Hordeum spontaneum) = Anatolie, Levant, Mésopotamie, Zagros
La Lentille sauvage (Lens orientalis) = en Anatolie, croissant fertile
Le Pois sauvage (Pisum humile) = croissant fertile et est de l'Anatolie
Le Pois chiche sauvage (Cicer reticulatum) = Hautes vallées du Tigre et Euphrate

Domestication des blés:

Les blés étaient des graminées sauvages comme les autres, présentes dans les étendues herbacées qui couvraient de vastes espaces au Proche-Orient, surtout dans sa partie méditerranéenne, en Anatolie et dans les piémonts de la chaîne du Zagros, à présent partagée entre l’Iran et l’Irak. Ce type de formations où se mêlent blés ancestraux et d’autres espèces persiste encore dans ces régions.

A l'état sauvage on a pu retrouver 2 blés diploïdes (c.a.d avec 2 fois 7 chromosomes)     = Engrains sauvages : Triticum boeoticum             et Triticum urartu  (génomes AA)

 

Il y a 500.000 ans environ, l'hybridation naturelle de T. urartu avec une autre graminée sauvage l'Egilope, type Aegilops speltoïdes (génome BB), a donné l'Amidonnier sauvage (tétraploïde 4x7 chromosomes) Triticum turgidum dicoccoïdes (génome AA/BB) 

  épis d'Aegilops speltoides                         épis d'Amidonnier sauvage               

 

 

 

 

 

l'hybridation de T. Boeoticum avec l'Egilope a donné un second Amidonnier sauvage trouvé en Arménie Triticum araraticum (AA/GG).

 

La première domestication a conduit à l'apparition de l'Amidonnier cultivé (Triticum turgidum ssp dicoccon ) puis au Blé dur (T. turgidum durum) tous deux tétraploïdes.

                                    Epis d'Amidonnier (murissent du haut vers le bas)

Une seconde hybridation avec une graminée sauvage Egilope (Aegilops tauschii) a donné un blé hexaploïde (AA/BB/DD): le Blé tendre (Triticum aestivum).

Il faut noter l'existence de 2 autres blés anciens diploïdes cultivés:

L'Engrain ou Petit Epautre  (Triticum monococcum) et (T. sinskajae) en Turquie et Daghestan.

A ne pas confondre avec l'Epautre ou blé des Gaulois qui est une forme de blé tendre hexaploïde (Triticum aestivum ssp spelta).

 

 

Ces populations naturelles de graminées ont attiré l’attention des communautés humaines depuis la préhistoire. Dans les premiers villages sédentaires connus au monde, datant du Natoufien, il y a plus de 14 000 ans, on exploitait de nombreuses ressources végétales et animales, dont les graminées sauvages, et leurs grains, se révélaient précieux. Non seulement ceux-ci fournissaient des éléments nutritifs fondamentaux, notamment des glucides, mais ils pouvaient être stockés en vue de périodes moins favorables. C’est sur un site de cette époque, Shubayqa, situé dans l’actuelle Jordanie, qu’a été identifiée la plus ancienne préparation alimentaire pouvant être décrite comme une « galette de pain » et contenant, entre autres ingrédients, de la farine de graminées.

    

L'origine géographique des blés cultivés. La distribution approximative des formes sauvages d'amidonnier (T. turgidum spp dicoccoïdes) et d'Aegilops tauschii est représentée par des points et celle d'engrain est représentée par la zone jaune. Les zones cerclées correspondent aux régions putatives d'origine des formes cultivées d'amidonnier, de blé dur, d'engrain et de blé tendre. Adapté de Dubcovsky and Dvorak (2007).

 

Durant ces deux millénaires favorables, la région s'est couverte de graminées sauvages et selon Willcox(8) "on a pu calculer qu'une personne pouvait récolter en deux semaines assez d'engrain sauvage pour nourrir une famille de quatre personnes pendant un an."


Ainsi dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture à portée de main pour s'établir à plusieurs familles dans un petit village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune.


La nouveauté vient donc de leur habitat, des petites cabanes circulaires en partie creusée dans le sol, en torchis et en bois, mais regroupées en petits hameaux sédentaires ou saisonniers avec des fosses de stockage et des sépultures associées.
Ils utilisent des mortiers en basalte ou en calcaire, des meules plates pour le broyage des denrées alimentaires. Des chiens sont apprivoisés.


Pour l'archéologue on parle du Natoufien à l'ouest et du Zarzien à l'est au pied du Zagros. (sites Wadi el Natouf en Palestine, Mallaha, Kebara, Mureybet en Syrie).


La période climatique correspondante est celle de l'Alleröd qui est la deuxième amélioration climatique post-glaciaire de cette fin du Pléistocène pendant un peu plus de mille ans, suivie de 800 ans froids et secs, le Dryas récent qui précède l'Holocène.

b) Les premières expériences d'agriculture pré-domestique: le néolithique précéramique A (9600-8700 BC)

A partir de -10.000 ans, au début de l'Holocène, le climat redevient plus doux et humide et favorise le couvert forestier. Durant cette deuxième période, les traditions et pratiques des hommes du Natoufien s'étendent jusqu'au Zagros occidental.
L'amélioration des conditions de vie apportée par la sédentarisation et la récolte en quantité de céréales a d'abord favorisé la croissance des populations, puis il est sans doute devenu plus difficile de s'en tenir à la simple cueillette autour des villages.
Des indices irréfutables montrent que ceux-ci commencent à mettre en culture du blé amidonnier et des lentilles (au sud dans la vallée du Jourdain) de l'engrain, de l'orge et des pois (au nord sur le moyen Euphrate) (9).

Les espèces cultivées conservent encore leur morphologie sauvage. Les animaux sont toujours chassés bien qu'ils semblent pratiquer un certain contrôle des troupeaux et une sélection à l'abattage.
Ces hommes commencent à utiliser des briques de terre modelées, du torchis, des toits plats en terre ou des fortes charpentes en bois.
Ils vivent parfois dans de petites agglomérations d'une dizaine à quelques centaines de personnes comme à Jéricho dont les 3 hectares sont de plus entourés d'un puissant mur d'enceinte de 3 m de large et 4 m de haut.
Une nouvelle architecture émerge avec des habitations à plan rectangulaire au nord en Syrie, la forme ronde est réservée aux maisons communautaires ou aux sanctuaires.

 

c) La maitrise du cheptel: le PPNB
le néolithique pré-céramique B (8700-6900 BC)

Cette période est celle de l'optimum climatique proche-oriental de l'holocène, le couvert forestier se développe partout sauf dans l'intérieur du croissant qui reste steppique.
La chasse et la cueillette ne disparaissent pas, mais les hommes du 9ème millénaire pratiquent progressivement l'élevage de la chèvre (plutôt au sud) puis du mouton (plutôt au nord) dans les vallées du Zagros et le Levant, du bœuf et du porc sur le moyen Euphrate; les animaux sont exploités pour la viande mais aussi pour leur lait et pour la traction.
Parallèlement, l'agriculture se renforce, les blés engrain, amidonnier, l'orge, les pois et lentilles et le blé tendre dès 8000 acquièrent les caractéristiques biologiques de la domestication.
Le développement de cette nouvelle économie s'accompagne de transformations de l'habitat: les villages sont beaucoup plus vastes, faits de maisons rectangulaires en briques modelées ou moulées, en pierres taillées, sur des sols parfois surélevés, on y trouve des meules et mortiers en pierre, des bâtiments publics en pierre, des statues en chaux ou en plâtre, des stèles de pierre, et les premières fresques sur des murs et des sols en terre.
Il n'y a pas encore de véritable céramique, mais une vaisselle de pierre ou de plâtre ou de chaux, ainsi que des figurines en argile cuite en os ou en pierre, représentant des femmes ou des animaux. Ces villages échangent sur de longues distances des outils d'obsidiennes ou de la vaisselle de pierre.
Ces premiers agriculteurs du continent ont très tôt maitrisé la navigation ce qui leur a permis de voyager vers Chypre où ils ont introduit le blé et de nombreux animaux.

 

 


d) Diffusion à l'Anatolie:

Cette nouvelle économie agraire se diffuse assez vite vers le nord et l'ouest en Anatolie. On en trouve les traces à Cayönu et Catal Hüyük à partir de 7500 BC.
Le sud de l'actuelle Turquie faisait partie de néolithique levantin.

A partir du VIIe millénaire se développe la civilisation de Catal Höyük.
Sur ce site très célèbre, plusieurs milliers d'habitants vivaient dans plusieurs centaines de maisons quadrangulaires en terre crue, accolées les unes aux autres.

 

e) Un nouvel art du feu: le néolithique céramique. (6900-5000 BC)

Entre 6900 et 5800 av JC. le système néolithique qui fonctionne depuis plus de mille ans va évoluer en même temps que les conditions climatiques deviennent un peu moins favorables.
Dans la région du Levant les grandes agglomérations sont abandonnées pour de plus petits villages aux marges du désert, alors que de nouvelles cultures apparaissent à l'intérieur du croissant fertile, Samara au centre de la Mésopotamie et Obeid au sud.
Là, l'agriculture se perfectionne grâce aux premiers systèmes d'irrigation, les premières céramiques cuites apparaissent, des villages fortifiés regroupent des bâtiments à étage en briques crues moulées.
Plusieurs autres centres régionaux de production de céramique apparaissent dans le Zagros, le sud du Levant, la côte Syrienne.

Enfin entre 7000 et 6200 BC, des migrants diffusent l'économie urbaine et agro-pastorale au-delà du Moyent-Orient vers la Grèce et vers l'Iran.

 

Sources et notes

1) Lemercier O. Université de Bourgogne. Cours en ligne.
2) Cauwe N., & al. (2007) - Le Néolithique en Europe, Paris : Armand Colin, 2007, 381 p. (Collection U, Histoire)
3) Le Dosseur G. "L'émergence du Néolithique au Proche-Orient" Les dossiers de l'archéologie n°353, 2012, Les Débuts du Néolithique en Europe p14-23.
4) Lemercier O: " La Néolithisation du Proche-Orient" Cours
5) Aurenche O., Kozlowski S.K. "La naissance du Néolithique au Proche-Orient" 1999, Paris Errance
6) Lazaridis et al. - 2016 - Structure génétique des premiers fermiers du Proche-Orient.
7) Zohary D. et al - "Domestication of Plants in the Old World" Oxford University Press, 2012
8) Willcox G. " Premiers paysans du monde, Naissance des agricultures " ss la dir. J. Guilaine. Errance 2000
9) Stordeur D., Willcox G. "Indices de culture et d'utilisation des céréales à Jerfel Ahmar" dans De Méditerranée et d'ailleurs, Toulouse (2009)

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article